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L’Afrique n’a jamais été un continent. Elle est, sans aucun doute, le plus grand des archipels. Ni continue, ni continente, elle va à l’encontre de nos évidences géographiques. Elle forme, paradoxalement, un assortiment d’îlots disparates et de cultures hétérogènes. Terre de contradictions, étendue fangeuse pour les âmes aventurières, l’Afrique n’est concevable que dans sa pluralité et son inconstance. On a voulu, selon l’humeur conquérante, qu’elle soit vierge, chaste, pure, primitive ou noire. Bien au contraire, au risque de désappointer l’imaginaire des conquistadors, elle est, radicalement, excessive, luxurieuse et multicolore. Ces “Afriques” ou terres de contrastes imposent des écarts, entre clarté et obscurité, que les nuances de gris sont les plus aptes à retranscrire. Ici, le photographe tente de rendre compte d’une exploration effectuée entre deux brins de cette gamme infinie, visuellement grisante, quelque part au nord de l’équateur : entre Abidjan et Lomé.

En marge des propagandistes négriers, une poignée de vrais pionniers tentent de redécouvrir les mystères de l’archipel africain. Le photographe, en ce sens, se révèle être un parfait démystificateur. Avant même de « donner à voir », il commence par « décevoir ». Il prend à contre-pied les reflexes habituels de la photographie ethnocentrique privilégiant le folklore local ou les paysages sauvages.

Ces portraits rassurent par la banalité des êtres qui les habitent autant qu’ils troublent par des absences qui les hantent. Un « ailleurs » nous interpelle. L’histoire, s’il y a lieu pour une histoire, est inachevée. En dehors du champ photographique, une présence ou un élément nous manque pour compléter l’image. Les données sont fragmentaires. Au-delà de l’immobilité des corps, nous observons les signes d’un prolongement volontairement latent. Ecart du clic, le temps d’une poussée tactile, entre le coup d’œil du photographe et la suspension d’un moment de vie, pour révéler le champ ultime de l’artifice : un espace de fiction où le destin d’un homme, réel et authentique, feint de s’immobiliser.

H.B.F.